Alors que le Trophée des champions aura lieu au Qatar, à Doha ce dimanche (17h30), certaines interrogations économiques et politiques se posent. D’autant qu’il y avait d’autres options sur la table pour disputer ce PSG-Monaco.
Un match à Doha, en pleine journée de Ligue 1, en plein milieu de la saison, dans un stade qui devait être démonté après le Mondial 2022. Ce Trophée des champions 2024 soulève quelques questions et est loin de faire l’unanimité. Les supporters ultras des deux clubs ne feront pas ce déplacement, qu’ils considèrent en inadéquation avec leurs valeurs. Et les Monégasques, eux, poussaient plutôt en faveur de la candidature ivoirienne, avant de voir la LFP choisir le Qatar, également propriétaire, via QSI, du PSG.
Economiquement, un événement « gagnant-gagnant »
Malgré certaines réticences et après le couac de l’organisation prévue en août en Chine – match annulé en raison de lourdeurs administratives – Virgile Caillet, spécialiste de l’économie du sport, y voit une bonne solution économique. « Il fallait trouver quelque chose de plus sûr, rassurant et c’est le cas au Qatar sur le plan de l’organisation, financier également. La météo devrait être clémente donc un certain nombre de facteurs qui font que la LFP s’assure une réussite dans l’organisation. » Chaque club devrait toucher autour de 3 millions d’euros, comme la Ligue.
« Ce n’est pas hyper rémunérateur mais ce n’est pas l’objet principal. La volonté était de pouvoir augmenter la commercialisation des droits de la L1 à l’international. Donc c’est intéressant pour elle de pouvoir aller sur des territoires comme le Moyen Orient ou elle va pouvoir commercialiser ses droits, réunir des journalistes internationaux, mettre en avant le produit L1. » Certes, mais les droits ont déjà été attribués à la rentrée… « La temporalité n’est pas idéale car ça doit lancer la saison et présenter ses meilleurs atouts aux TV internationales pour qu’elles achètent, reconnait Virgile Caillet. C’est une solution de repli. »
Un moindre mal donc, notamment pour Paris, qui va profiter de ce déplacement pour faire une sorte de mini tournée au pays de son propriétaire, alors que certains y voient un nouveau signe de la proximité de Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, avec celui de la Ligue, Vincent Labrune. « Je ne vois pas de conflit d’intérêt entre LFP et PSG, pense Caillet. Je vois plutôt quelque chose de gagnant-gagnant pour tous. Pour le PSG c’est intéressant car il renvoie la balle à ses partenaires, il va monter une opération pour ses supporters, la LFP s’assure d’un minimum de rémunération dans un stade de la Coupe du monde 2022… Tout le monde y trouve son compte. »
La nouveauté c’est surtout… le naming de cette compétition ! L’événement s’appelle cette année « Trophée des champions Visit Qatar ». « C’est une grande première, ce n’est pas complètement anormal, la L1 elle-même a un namer (McDonald’s, ndlr). Ce n’est pas illogique et là encore il y a une certaine cohérence, on va au Qatar, Visit Qatar va financier l’organisation de cet événement », défend Caillet. Sans lien, selon lui, avec le conflit lié au sponsoring dans l’affaire des droits TV. beIN Sports, chaîne qatarie, avait refusé de payer sa première facture en dénonçant la non-application du contrat, qui prévoit du sponsoring en faveur du Qatar pour chaque club. Ce qui n’est pas encore mis en place.
Politiquement, « on est un football sous influence »
Cohérent pour le porte-monnaie, donc, mais que cela dit-il du foot français? « Ce Trophée des champions est la confirmation de la dépendance, des conflits d’intérêt et du rapport de force qui s’exerce entre les autorités du foot français et l’émirat, pense Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport. On est un football sous influence. Ce match ne sert pas le Qatar à l’international pour l’image, mais ça reste un match dans une logique évènementielle et vous montrez que vous remplissez le stade. Ça se tourne vers les qatariens, ça solidifie les liens favorables au Qatar au travers du foot français et ça fait écho à l’héritage lié au Mondial 2022. »
Même si justement, le stade 974, fait de conteneurs, devait être démonté et être recyclé dans un autre pays. « Mais encore fois, c’est bien pour le Qatar de montrer son lien vers le foot international. Le foot français reste quand même parmi les dix meilleurs championnats du monde et ça tombe bien car Paris sera là, c’est une manière pour lui de s’auto-célébrer. Le Qatar se sert du foot français et il est un instrument pour lui », appuie Guégan, qui ne manque pas de souligner les multiples casquettes du président du PSG (président du CA de beIN, président de l’ECA, ministre sans portefeuille).
« Le foot français est un instrument d’une politique, une diplomatie du sport, même. C’est un levier d’influence en interne. On reste toujours dans cette volonté pour servir ses intérêts, son influence et développer son attractivité tout en diversifiant son économie vers le divertissement. » A un moment, en plus, où le concurrent saoudien vient d’obtenir l’organisation du Mondial 2034. Et le naming du match? « Visit Qatar c’est dans la continuité de la négociation des droits de la L1, cette volonté de promouvoir le pays en imposant un sponsoring étatique, explique Jean-Baptiste Guégan. C’est aussi une manière de promouvoir l’émirat, développer son branding à l’international et se servir du Trophée pour montrer le pays. Personne ne remet ça en cause aujourd’hui car on regarde le nombre de zéro sur le chèque, c’est une vision du foot qui se joue. »