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Real Madrid : Zidane, Benzema, Vinicius… Avant Mbappé, ces stars qui ont connu des débuts compliqués

Les difficultés de Kylian Mbappé depuis sa signature au Real, et son calvaire vécu mercredi à Liverpool, rappellent les débuts très compliqués de quelques grands noms passées par Madrid. Dans des contextes bien différents, certains avaient su relever la tête. D’autres avaient plongé.

« Président, j’ai une chose importante à vous dire. J’ai décidé d’arrêter le football, de mettre définitivement un terme à ma carrière. » Nous sommes à l’été 2001 et Zinedine Zidane a le blues. Alors que le Real Madrid vient de sortir un chèque à 75 millions d’euros pour l’arracher à la Juventus, et en faire à 29 ans le joueur le plus cher de la planète, le champion du monde n’en peut plus.

Trop de pression, trop de contraintes, trop d’attentes. La tranquillité de sa vie à Turin lui manque et sa décision est prise. Le football, c’est fini. Comme le raconte le journaliste Fred Hermel dans son livre « Zidane » paru en 2019, il prévient Florentino Pérez avec ces mots : « Je n’en peux plus. Je suis désolé. » L’histoire aurait pu s’arrêter là.

Zidane a voulu tout stopper

Mais le boss du Real en a vu d’autres et n’est pas du genre à disjoncter à la moindre contrariété. Son argumentaire est tellement convaincant qu’il dissuade son nouveau « Galactique » de ranger ses crampons et de se ressaisir. Quelques mois plus tard, par une fraîche soirée de mai écossaise, Zizou choisira l’Hampden Park de Glasgow pour inscrire ce qu’il décrit de son propre aveu comme le plus beau but de sa carrière. Une merveille du gauche, son mauvais pied de surcroît, pour convertir une chandelle de Roberto Carlos, éteindre le Bayer Leverkusen et offrir au Real une neuvième Ligue des champions. C’est peut-être à ce doux souvenir, et à la suite de l’histoire écrite par leur mythique numéro 5, que doivent aujourd’hui se raccrocher les supporters merengues. En espérant, deux décennies plus tard, un destin similaire pour Kylian Mbappé.

À son époque, Zidane n’avait pas tout à fait eu droit aux mêmes critiques qui s’abattent en ce moment sur le capitaine de l’équipe de France (25 ans), mais il avait aussi été question d’interrogations autour de ce joueur éprouvant des difficultés à s’adapter à un univers si singulier. « Sans Zidane, le Real gagne », avait même osé un quotidien sportif espagnol, avant de se laisser séduire, comme tous les autres, par le talent du Ballon d’or 1998.

Une prestation majuscule lors d’une victoire en Liga contre l’Espanyol (5-1), fin septembre 2001, avait participé à ce retour en grâce. Et à calmer les derniers sceptiques, qui avaient un temps craint d’assister à une « Anelkisation ». Car si Zidane a su inverser la tendance et gagner les cœurs à Madrid, Nicolas Anelka a connu avant lui une toute autre expérience. Douloureuse voire cauchemardesque.

Un « enfer » pour Anelka

Sa signature en 1999 en provenance d’Arsenal, au bout d’un interminable feuilleton et pour un salaire XXL, lui avait attiré dès le début une rancœur tenace des supporters dans laquelle il n’avait fait que s’engluer. Entre un transfert mal digéré du haut de ses 20 bougies, une fracture avec le vestiaire, un jeu pas adapté au style du Real et de gros différends avec son entraîneur Vicente del Bosque, l’attaquant a souvent parlé « d’enfer » pour qualifier son aventure merengue.

Malgré ses deux buts claqués en demi-finale de C1 face au Bayern Munich, elle s’était conclue par une séparation inéluctable dès 2000. « C’est le seul endroit où je ne me suis pas entendu avec les joueurs », avait-il reconnu il y a deux ans sur RMC, marqué par ce groupe qui l’avait pris en grippe, le voyant comme le concurrent de trop au chouchou Fernando Morientes.

« Mon état d’esprit, c’est qu’il s’était passé tellement de choses dans la saison qu’il était presque impossible que je reste. Je savais que je ne pouvais pas faire deux saisons comme ça. » Recruté pour cinq saisons, « un rêve devenu réalité » comme il l’a répété à l’envi, Mbappé n’en est a priori pas encore à se poser ce genre de questions. Il n’a pas non plus un vestiaire monté contre lui et ses relations sont jugées fluides avec Carlo Ancelotti, qui a reconnu un « moment difficile » pour son avant-centre sans chercher à l’accabler après son calvaire vécu mercredi lors de la défaite à Liverpool (2-0) en Ligue des champions.

Très attendu, encore plus en l’absence de Vinicius Junior, blessé pour au moins trois semaines, le natif de Bondy a sombré. Techniquement, physiquement et mentalement. Avec une dizaine de ballons égarés, des duels perdus face au colosse Virgil Van Dijk qui ont fait rugir Anfield, et un penalty gâché au moment où sa formation avait le plus besoin qu’il retrouve son efficacité.

Michael Owen ne s’en est pas remis

Encore indulgente récemment, la presse espagnole a cette fois dégainé la sulfateuse pour juger cette prestation ratée. « Il est évident que Kylian Mbappé n’est aujourd’hui même pas l’ombre du joueur qu’il a été ces dernières années. Les choses ne se passent pas comme il le souhaite et la crise de confiance dont il souffre le dévore jusqu’à devenir un footballeur méconnaissable », a ainsi écrit le quotidien Marca. « Il est venu pour ce genre de soirées. Et il ne s’est pas montré. Il n’a pas été un leader, il n’a pas brillé. Il n’a pas été Vinicius, et continue de ne pas être Mbappé », a tranché le journal AS, qui lui a décerné la rarissime note de 1/10.

Michael Owen connaît bien ce genre de tempête. L’enfant de Liverpool a tout juste 24 ans et des rêves plein la tête lorsqu’il quitte la grisaille anglaise et dit adieu à son club de toujours, avec lequel il a signé un mémorable quintuplé en 2001 (Coupe de l’UEFA, Supercoupe d’Europe, Coupe d’Angleterre, Coupe de la Ligue anglaise, Charity Shield). C’est sous le soleil de Valdebebas qu’il pose ses bagages avec l’ambition de tout exploser. Florentino Pérez peut jubiler: fort de ce recrutement toujours plus clinquant, son Real compte dans son effectif quatre des six derniers Ballon d’or (Zidane en 1998, Figo en 2000, Owen en 2001, Ronaldo en 2002).

Mais rien ne fonctionne. La volonté de prouver que son nouveau club ne s’est pas trompé en misant 12 millions d’euros écrase les épaules du jeune buteur, vite convaincu qu’il lui faut rentrer au pays reprendre le fil de sa carrière plutôt que batailler pour exister dans l’ombre de Ronaldo. « Dès que j’ai décidé d’aller à Madrid, j’ai perdu le contrôle de ma carrière. C’est le ‘Saint Graal’ pour un footballeur, mais c’est aussi un endroit où la pression est si forte qu’on a du mal à respirer. Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais. Madrid est un club qui a de l’histoire, du glamour et tout ce dont un footballeur rêve, mais quand vous y arrivez, vous vous rendez compte que c’est un endroit où vous pouvez perdre votre essence. Moi, ça m’a coûté ma vie professionnelle », a admis Owen cette semaine auprès de The Athletic.

Benzema, de « chat » à légende du Real

S’il y a connu un toboggan d’émotions et de grands bonheurs, décrochant à l’arraché une Liga en 2007 aux dépens du Barça, David Beckham pourrait également parler en longueur de cette pression propre au Real. Même chose, dans des proportions bien différentes, pour Eden Hazard. Débauché pour 100 millions d’euros à Chelsea en juin 2017, le Belge devait enfin accrocher la Ligue des champions, le trophée majeur manquant à son palmarès en club. Bilan: un flop monumental, plus de séjours à l’infirmerie que de buts, et un départ par la (très) petite porte deux ans plus tard.

À l’image de Zidane, d’autres ont su brillamment se relever dans la foulée de débuts galères. Difficile de ne pas mentionner les critiques de José Mourinho devant le rendement de Karim Benzema lors de ses premières semaines à Madrid. « Si vous n’avez pas de chien de chasse, vous devez chasser avec le chat », avait grommelé le Portugais dans une tirade devenue légendaire, jugeant le gamin de Bron pas assez tueur face au but.

Le soutien de sa famille avait été essentiel pour le maintenir mobilisé. Et le réconforter à distance ces soirs où ses journées se terminaient en pleurs, seul face à ses doutes dans sa chambre d’hôtel. Mis en concurrence avec Gonzalo Higuain, Alvaro Morata ou Emmanuel Adebayor, l’ancien Lyonnais s’était réfugié dans le boulot, sur les conseils de Cristiano Ronaldo, pour se révéler peu à peu comme une pièce maîtresse du dispositif madrilène. Jusqu’à décrocher cinq titres en Ligue des champions, le capitanat, le Ballon d’or, et le statut de légende d’un club qui le chérira à vie.

Des critiques aussi pour Vinicius

Vinicius Junior, lui aussi, a connu critiques et remises en question. Arrivé en Espagne à l’été 2018, il a d’abord eu du mal à justifier les 45 millions d’euros posés par le Real pour le faire venir de Flamengo, et a eu besoin d’être couvé par l’entraîneur Zidane. Avec lui, le Brésilien a gagné en rigueur, au point de devenir un bourreau de travail toujours prêt à faire du rab après l’entraînement ou à la salle de musculation. La clé pour progresser, espérer imiter son idole Cristiano, et survivre dans un environnement si exigeant.

Mais c’est avant tout avec Ancelotti que le déclic a eu lieu. Avec des progrès fulgurants pour un joueur longtemps moqué pour son manque d’efficacité et de justesse dans la zone de vérité, à tel point que Benzema lui-même avait eu un soir de match des mots très durs à son encontre, en octobre 2020: « Il fait n’importe quoi. Joue pas avec lui, la vie de ma mère. Il joue contre nous. »

Un an plus tard, le « Nueve » disait ceci dans France Football: « Nous n’allons retenir que le truc que j’ai dit, ceci, cela. Mais je sais ce que je lui ai apporté. Il faut lui poser la question. Aujourd’hui, il n’est plus le même joueur. Il fait ce qu’il devait faire depuis longtemps et tu ne peux rien lui dire. C’est un jeune joueur, très bon. Il faut juste lui parler. Je sais qu’il était capable de produire beaucoup plus. Donc, en deux ou trois phrases sur le terrain, en deux ou trois mouvements, je lui ai montré des choses, surtout dans les vingt derniers mètres. »

Deuxième du dernier Ballon d’or, devenu le leader d’attaque du géant madrilène, le Vinicius de 2024 n’a plus rien à voir avec son ancienne version. Et si les contextes ne sont évidemment pas les mêmes, il serait peut-être bien inspiré de donner deux ou trois conseils à Kylian Mbappé pour l’aider à sortir de sa sinistrose.

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