Résumé & Buts

INFO BFM LYON. Violences après OL-Nantes, politisation…. Des membres du groupe de supporteurs Les Six Neuf Pirates se confient

Créé en février 2024 le club de supporteurs de l’Olympique Lyonnais, « Six Neuf Pirates » est au cœur de violents incidents depuis le début de la saison. Deux de ses membres ont donné une interview exclusive à BFM Lyon.

Ce n’est pas la victoire de l’Olympique Lyonnais qui a fait les gros titres ce dimanche 6 octobre mais l’affrontement en marge de la rencontre contre le FC Nantes entre supporteurs lyonnais. Un membre du groupe de supporteurs lancé il y a quelques mois, Six Neuf Pirates a notamment été blessé d’un coup de couteau dans la cuisse.

Deux membres du groupe ont accepté de donner une interview exclusive à BFM Lyon en requérant l’anonymat. Ils reconnaissent s’être battus en marge de match contre Nantes après avoir été victimes à plusieurs reprises d’actes de violences. Le groupe plaide la « la légitime défense ».

Comment est venue l’idée de créer un mouvement de supporteurs?

L’idée est venue après plusieurs événements, dont ceux du parcage à Marseille (des supporteurs ont entonné des chants racistes et déployé des banderoles d’un groupe d’ultradroite, NDLR). C’était un ras-le-bol.

J’ai déjà fait partie d’un des groupes de supporteurs et je sais que certaines personnes, racisées ou venant de banlieue par exemple n’ont pas leur place dans les noyaux durs de ces groupes-là. Au Groupama Stadium, ça s’est calmé, mais ça reste quand même pesant pour des personnes qui ont une certaine origine. Avec une bande d’amis, on s’est réunis, et on s’est dit pourquoi pas lancer notre projet.

Quel était votre objectif à la création du groupe?

Nous voulons casser l’image du lyonnais raciste et politisé, sans généraliser, sans accuser qui que ce soit. C’est l’image qui est rapportée dans les médias et dans l’Europe entière quand on dit qu’on est supporteur de l’Olympique Lyonnais.

Bien sûr, la majorité des supporteurs lyonnais n’est pas raciste. Et porter un drapeau français, ce n’est pas être raciste. Il n’y a pas de mal à aimer son pays. À Marseille ce qu’il s’est passé, c’était une minorité bruyante mais qui a du poids, influente.

Depuis quand êtes-vous actifs?

Six Neuf Pirates a été créé en février 2024, avec la sortie de notre premier communiqué. On était positionné dans le Virage Sud mais ça ne l’a pas fait. Certaines personnes nous ont fait comprendre qu’on n’était pas forcément les bienvenus. Il n’y a pas eu de violence. Mais ce n’était pas compatible. On a compris que si on voulait grandir c’était hors Virage Sud.

Après le virage Sud, vous avez donc été positionné de l’autre côté du stade?

Après concertation avec le club, quelques jours après le début de la campagne d’abonnement, on a été positionné en bloc 404, à côté du Virage Nord. Chose qui n’a pas plus aux Bad Gones qui ne voulaient pas avoir un nouveau groupe qui se dit anti-raciste. Nous, on ne revendique pas cette étiquette mais on nous l’a accolée. On n’a jamais montré notre opposition aux autres groupes.

Après ça, le club nous a invités à aller à un autre endroit du stade, à une semaine de la reprise. On nous a expliqué aussi qu’on n’était pas très bien vus par les autres groupes. Et que pour notre sécurité et pour la sécurité de tout le monde, c’était mieux de ne pas se positionner à côté d’eux.

Malgré tout, on ne s’est pas opposé à la décision. On n’a pas contesté la décision car elle pourrait aussi nous permettre de nous développer plus sereinement.

Le club vous a-t-il fixé des objectifs?

On voulait que tout se passe pour le mieux. C’est un peu raté. Le club nous a dit « si à la fin de saison, on refait une réunion pour savoir si vous serez officiel ou non l’année suivante, il faut que vous ayez un peu grandi, que vous soyez une association en loi 1901, que vous soyez structurés avec un bureau, des membres ».

En gros, il faut être populaire. Il faut avoir une certaine base. Je pense que ça veut dire qu’il faut leur permettre de rentabiliser la mise en place de l’abonnement, parce que c’est quand même du travail derrière.

On vous reproche de vous habiller et de reprendre les codes des ultras, que répondez-vous à ça?

Ce qui est reproché à la « Six Neuf Pirates » (SNP), c’est la tenue noire, le fait que certains cachent leur visage.

Comme on l’a vu pour le match contre l’Olympiakos (les supporteurs disent être tombés dans un guet-apens d’autres supporteurs de l’OL, NDLR), c’est notre sécurité qui est en jeu.

Il y a des pères de famille, il y a des femmes avec nous, il y a des gens vulnérables. Donc, ils n’ont pas forcément envie d’avoir leur tête sur des réseaux obscurs ou ailleurs.

C’est aussi une sorte de « dress code » entre nous. Et puis, on est quand même un groupe de supporteurs. Oui il y a des codes ultras qui sont repris, encore une fois, parce que dans le monde ultra, il n’y a pas que du mauvais. Des ultras veulent juste vivre leur passion, défendre leur ville et défendre leur couleur, sans autant entrer dans une démarche de violence. Notre priorité, c’est la sécurité.

Qu’est-ce que vous dites à ceux qui vous accusent d’être politisés, d’avoir amené la gauche ou l’extrême gauche au stade?

On n’a jamais été dans la politique, et on ne le sera jamais. On est apolitique. Aujourd’hui, les seules valeurs qui nous réunissent, c’est l’Olympique lyonnais. Notre groupe est ouvert à toutes et à tous, on est cosmopolite. Les seules valeurs qu’on défend depuis la création du groupe.

Justement, que s’est-il passé contre l’Olympiakos?

Il y a eu de l’intimidation pendant le match, à la mi-temps. Et puis ça a commencé à chauffer dès que ça a sifflé. Donc, nous, on a voulu attendre les joueurs qui applaudissaient. Certains membres du groupe ont commencé à avoir peur. Des stadiers nous ont escortés de la porte X jusqu’au parking. Arrivés au parking, on a vu des mecs en noir et cagoulés. Donc on a compris que c’était un guet-apens. Ils nous ont attaqués, ça a été une charge à 50 contre 5. Ils ont aussi attaqué une personne en particulier parce qu’ils l’ont reconnue avec sa tenue vestimentaire.

Ça a duré quelques secondes. Ensuite les forces de l’ordre sont arrivées et ont séparé l’agression. Ce n’était pas une bagarre parce que pour une bagarre, il faut deux clans. Là, ce n’étaient pas deux clans, il n’y a pas eu d’échange de coups, c’était une agression.

Que s’est-il passé lors de l’après-match contre Nantes?

À quelques minutes de la fin du match, on nous a signalé que des gars nous attendaient en bas du bloc. Certains capuchés, certains masqués ou certains visages découverts. On a informé la sécurité. On a directement informé la sécurité. Mais pour nous, il était hors de question de revivre un guet-apens comme contre l’Olympiakos.

On reste quand même que des supporteurs lyonnais donc on est descendu. On a une vie à côté. On ne va pas, à chaque match, sortir 3 heures après. Et on ne va pas, à chaque match, se faire escorter et attendre les forces de l’ordre ou les CRS. On n’est pas des supporteurs extérieurs dans notre propre stade. Ça, on ne l’acceptera jamais.

Quelle a été votre réaction à ce moment-là?

Nous, on a agi en légitime défense. Parce que d’un point de vue judiciaire, d’attendre en bas de la porte, de manière menaçante comme ils l’étaient, c’est-à-dire certains cagoulés, certains masqués et certains prêts à dégainer je ne sais quelles armes, on a le droit de descendre notre porte.

Et oui, on voulait agir en tant que légitime défense, c’est-à-dire que nous, on voulait sortir du bloc. Si on sortait du bloc et que c’était juste de l’intimidation, on aurait continué notre route. On est à peine sortis des escaliers qu’il y a eu l’affrontement directement. Il y a eu une charge. Les stadiers ont fermé les portes du stade.

Après, on ne va pas se mentir. Il y a eu une bagarre cette fois. Il y a eu deux camps. Il y a des membres de SNP qui se sont défendus. Mais le problème, il y a des gens qui n’avaient rien à voir à la SNP qui ont subi la charge. Il y a des gens qui ont eu des coups de la part des autres qui ne sont pas de la SNP.

Ça a été un bordel. Il y a eu échange de coups. On s’est défendus. Mais on s’est dit « on sort ». On sort comme tout le monde. En même temps que tout le monde. Parce que nous, on s’est dit, dans tous les cas, ils sont tellement organisés, ils sont tellement nombreux, ça va se passer soit au stade, soit en dehors du stade.

Des plaintes ont-elles été déposées?

Oui, deux plaintes des personnes qui ont reçu des coups de couteau. L’une où le couteau a été planté, l’autre pour une balafre.

Les Bad Gones et le Kop Virage Nord assurent que des membres du Six Neuf Pirates étaient armés?

C’est faux. Il n’y a pas eu de couteau, de cutter. Rien.

Quels retours avez-vous de l’OL et des autorités après les incidents?

Aucun. À part le tweet de l’OL, il ne s’est rien passé ( « Ces événements sont indignes de notre blason », a écrit sur X le directeur général de l’Olympique lyonnais Laurent Prud’homme, en condamnant « très fermement » ces « affrontements et agressions », NDLR).

Quelle est la suite pour vous?

Déjà, contre Besiktas, notre bloc est fermé. Parce que le stade est en jauge limité. Donc la SNP ne sera pas présente contre Besiktas. Et pour éviter tout malentendu, on ne se réunira pas dans un autre bloc.

Mais quel est votre message aujourd’hui, on n’a pas l’impression que la pression retombe ? Vous appelez au calme?

C’est toujours les mêmes principes qu’au début. On a créé un groupe de supporteurs pour soutenir notre équipe. Pour être bien clair, on est contre toute forme de violence, et je pense qu’on l’a assez prouvé. Nous voulons simplement venir au stade et sortir du stade en sécurité. Cela devrait être pour tous les supporteurs.

Est-ce qu’il y a des sanctions prévues si un membre de votre groupe venait à avoir des actes répréhensibles?

Si un membre venait à ne pas être irréprochable, il y a des sanctions prévues. C’est dans notre charte, dans notre règlement intérieur. Si on identifie la moindre erreur d’un des nôtres, bien sûr qu’il sera exclu.

Mais pour le moment, on n’est pas un groupe, on est juste un regroupement avec des abonnements individuels. Donc chacun est responsable de ses actes. On est une association de loi 1901 en dehors du stade, mais passé les portiques du stade, on est non-officiel, et chacun va au match en sa propre personne.

Comment voyez-vous la suite des choses, est-ce vous êtes encore motivés malgré tout ça?

Rien n’a changé. Ça a juste augmenté notre détermination à vouloir supporteur notre club. Coûte que coûte. Et avoir notre groupe au stade. Certains se sont démotivés, ce qui logique, parce qu’il y a eu un choc psychologique après les incidents de Nantes. Choqués notamment parce que deux membres ont été blessés à l’arme blanche.

Surtout, ils ont peur. Peur de retourner au stade, que ce soit en Bloc 439 ou ailleurs. Ceux qui sont extérieurs aussi sont démotivés à rejoindre notre groupe. Personne n’a envie de venir voir un match de foot et risquer de se prendre un coup de couteau ou de finir dans une bagarre.

Mais pour les membres de notre groupe, il n’y a que de la motivation supplémentaire de se dire qu’on ne fait pas ça pour rien. Parce notre seule éthique, c’est supporteur l’Olympique Lyonnais, peu importe qui tu es. On est les porte-paroles de tous les Lyonnais. Il n’y a pas de communautarisme chez nous.

Hugo Francés avec J.P (BFM Lyon)

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