Avec la signature du désormais ex-Lensois à Rennes, Steve Mandanda et Brice Samba vont de nouveau se retrouver. La dernière étape en date d’un parcours particulièrement troublant par ses similitudes.
Les ficelles sembleraient presque un peu trop grosses pour que le scénario trouve sa place dans un film. De l’Afrique centrale à l’équipe de France, en passant de la grisaille normande au soleil de Marseille, les destins de Steve Mandanda et Brice Samba n’ont cessé de se croiser ou de se suivre. Jusqu’à Rennes, où le désormais ex-gardien lensois vient de poser ses valises.
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Une enfance dans le même quartier à Évreux
Cette étape en Ille-et-Vilaine est le dernier chapitre en date d’une histoire commune particulièrement troublante par ses similitudes. À neuf ans d’intervalle, les deux internationaux français sont nés à moins de 40 km l’un de l’autre, à Kinshasa (Mandanda) et Linzolo (Samba), respectivement en République démocratique du Congo (anciennement Zaïre) et au Congo.
Ils rejoignent la France dès leur plus jeune âge, avec la Normandie comme point de chute. Ils y découvrent le football et font leurs armes à l’ALM Évreux (Eure), club du quartier de la Madeleine où les deux futurs gardiens ont grandi, comme Ousmane Dembélé ou Dayot Upamecano. Même s’ils ne sont pas de la même génération, les deux ont été amenés à se côtoyer à Évreux, comme le confiait Samba dans l’After Foot, sur RMC, en janvier 2013.
La découverte du monde pro au Havre
Leur (jeune) carrière prend ensuite un tournant avec leur arrivée au centre de formation du Havre. Steve Mandanda rejoint le HAC à 15 ans, tandis que Brice Samba en a trois de moins au moment de sa signature. Les deux adolescents impressionnent par leur maturité. Dans les colonnes du Parisien, Michel Courel, formateur historique des portiers havrais, se souvient de jeunes « exemplaires dans leur attitude et le rapport aux autres » et de leaders « qui parlent peu mais avec justesse », le tout avec un « caractère bien trempé ».
Durant les années 2000, Steve Mandanda grimpe peu à peu les échelons jusqu’à s’imposer dans les buts de l’équipe professionnelle havraise. Il dispute deux saisons en Ligue 2 entre 2005 et 2007, à une période où le jeune Brice Samba intègre tout juste les équipes jeunes du HAC. « On a passé une saison où lui était dans le groupe pro et moi j’étais au centre de formation », confie Samba sur RMC en 2013. « On se voyait un peu quand les gardiens des deux groupes se rejoignaient. »
Samba n’a pas pu apprendre de Mandanda bien longtemps puisque le plus âgé des deux gardiens prend la direction de Marseille à l’été 2007, d’abord en prêt puis dans le cadre d’un transfert définitif un an plus tard (contre 2,5 millions d’euros). Pendant qu’Il Fenomeno fait chavirer le Vélodrome, avec notamment un trophée de meilleur gardien de Ligue 1 en 2008 et un titre de champion de France en 2010, Brice Samba construit patiemment le début de sa jeune carrière. Toujours en marchant sur les traces de son prédécesseur dans les cages du HAC. À la différence de Steve Mandanda, Brice Samba ne joue aucun match de Ligue 2 et se contente de deux matchs en Coupe de France durant la saison 2012-2013. Ce qui n’empêche pas un club de Ligue 1 que connaît bien Steve Mandanda de s’intéresser à lui.
À l’OM, un rôle de doublure difficile à vivre pour Samba
En janvier 2013, le fil de l’histoire commune entre les deux gardiens est renoué. Alors qu’il n’a pas encore 19 ans, Brice Samba s’engage avec l’OM contre un chèque de 400.000 euros pour devenir la doublure de Steve Mandanda. « Ils ne sont pas venus dans les mêmes conditions », note Robert Nazaretian, vice-président de l’association OM depuis 1995, qui a côtoyé les deux joueurs durant leur passage sur la Canebière. « Mandanda est venu à l’époque pour être en concurrence avec Cédric Carrasso. Tandis que quand Brice est venu, Mandanda était déjà installé et il n’était pas question qu’il vienne le remplacer. Brice était une doublure. »
Dans ce rôle de doublure, Brice Samba doit se contenter de miettes. En quatre ans sous contrat avec l’OM, l’ancien Havrais ne dispute que quatre rencontres avec l’équipe première: une en Ligue 1 (mai 2014), deux en Coupe de France (janvier 2014 et janvier 2015) et une en Coupe de la Ligue (octobre 2014). Lors de la saison 2015-2016, il est contraint de s’exiler à l’AS Nancy-Lorraine, en Ligue 2, où il est une nouvelle fois N°2 dans la hiérarchie derrière Guy Ndy Assembé (6 matchs joués). Rebelote lors de la saison 2016-2017, où la place de titulaire dans les cages marseillaises revient à Yohann Pelé durant le passage de Steve Mandanda à Crystal Palace. « On m’avait prédit la succession de Mandanda », se souvient Brice Samba dans un entretien à Onze Mondial en août 2023. « Pour beaucoup, c’était mon destin. Mais je n’étais pas prêt (…) J’ai fini par comprendre que Marseille, ce n’était pas l’endroit où je devais éclore. »
« Steve lui a apporté beaucoup de choses »
Malgré toute la frustration que peut engendrer une telle situation, Brice Samba ronge son frein et attend patiemment son heure. Dans l’ombre imposante du taulier Mandanda… mais sans faire de vague.
« Ils avaient de bons rapports, sans être non plus très proches. C’est le jeu, c’est la compétition qui veut ça, c’est chacun pour soi, chacun défend son steak. Mais Brice est un brave garçon, tout comme Steve, qui est un amour », détaille Robert Nazaretian.
« Leur relation était très bonne », appuie Laurent Spinosi, qui a travaillé avec les deux joueurs en 2013-2014 lorsqu’il était entraîneur des gardiens de l’OM. « C’était le jeune et le taulier. Ils avaient une super entente. J’ai adoré travailler avec les deux. Steve était déjà international et Brice était vraiment à l’écoute. On a senti qu’il progressait chaque mois qui passait. Steve lui a apporté beaucoup de choses. Ce sont deux gardiens aux qualités différentes, mais ils se ressemblent dans le caractère. Ce sont deux personnes calmes, qui maitrisent leurs émotions et leur surface de réparation. Ils sont respectés par leurs coéquipiers. Ils se ressemblent dans la personnalité sur le terrain. »
Pendant que Steve Mandanda continue d’écrire sa légende sous le maillot phocéen, Brice Samba finit par revenir là où tout a commencé, en Normandie. Acheté environ deux millions d’euros par le Stade Malherbe Caen en 2017, il dispute toute la saison 2018-2019 de Ligue 1 en tant que titulaire. À 25 ans, il semble arriver à maturité et tape dans l’œil de Nottingham Forest, en D2 anglaise. Entre 2019 et 2022, Brice Samba réussit là où Steve Mandanda avait échoué, c’est-à-dire s’imposer outre-Manche (Mandanda n’avait joué que 10 matchs à Crystal Palace en 2016-2017).
Destins croisés chez les Bleus
Après trois saisons pleines de Brice Samba en Angleterre, loin de la France et de Steve Mandanda, les destins des deux gardiens vont de nouveau se rejoindre. Mais cette fois-ci seulement pour se croiser. Brillant sous le maillot de Lens, qu’il a rejoint quelques mois plus tôt, Brice Samba est appelé pour la première fois en équipe de France en mars 2023 grâce à une porte ouverte par… la retraite internationale de Steve Mandanda. La fin de carrière en sélection de ce dernier, combinée à celle d’Hugo Lloris, redistribue les cartes chez les Bleus, où Samba débarque pour être la doublure de Mike Maignan, comme Steve Mandanda l’a été pour Hugo Lloris pendant des années.
« C’est drôle que j’arrive quand Steve quitte l’équipe de France. On a un peu un parcours similaire avec nos précédents clubs. Il doit être fier de moi », sourit Brice Samba lors de sa première conférence de presse chez les Bleus. Face aux médias, il concède toutefois « ne pas avoir eu Mandanda dernièrement » au téléphone, preuve que si la relation entre les deux hommes est bonne et apaisée, les deux anciens joueurs d’Évreux et du Havre ne semble pas être des amis intimes.
Avec la signature de Brice Samba à Rennes, le film se répète. En inversant simplement le rôle des protagonistes. Presque douze ans jour pour jour après la signature de Brice Samba à l’OM, le 4 janvier 2013, c’est cette fois Steve Mandanda qui risque de se retrouver gardien N°2. « C’est un immense pro, qui a toujours eu des responsabilités pendant sa carrière, il va persévérer », a assuré un proche du gardien de 39 ans à L’Équipe le 29 décembre. En matière de patience, Brice Samba, formé à bonne école durant son début de carrière à l’OM, pourra toujours lui prodiguer quelques conseils.
