Après l’éviction de Pierre Sage en début de semaine, le Portugais Paulo Fonseca va être nommé entraîneur de l’OL. John Textor, le propriétaire du club rhodanien, est convaincu que le profil et l’expérience de l’ancien coach de Lille ou de l’AC Milan seront bénéfiques à son équipe. Mais Lyon est-il vraiment assuré de gagner au change?
Le patron a décidé, et il en sera ainsi. Malgré le soutien des joueurs, et l’affection du public lyonnais, Pierre Sage a été évincé en ce début de semaine de son poste d’entraîneur de l’OL par le propriétaire John Textor, qui a déjà choisi son remplaçant: Paulo Fonseca, ex-coach de Porto, du Shakhtar ou de Lille, récemment limogé par l’AC Milan après seulement une demi-saison sur le banc lombard. « Sauf imprévu, Paulo sera notre prochain entraîneur », a confirmé mardi l’homme d’affaires américains à l’AFP, espérant pouvoir compter sur le Portugais dès cette semaine, avec dimanche un périlleux déplacement sur le terrain de l’OM en Ligue 1.
Plus d’expérience, incontestablement
Comme l’ont souligné les groupes de supporters de l’OL dans un communiqué cinglant, et comme le montrent les chiffres, le bilan de Pierre Sage à Lyon est bon. Il présente même le troisième meilleur ratio de victoires de l’histoire du club, avec 57% de succès toutes compétitions confondues, derrière Gérard Houllier (63,9%) et Alain Perrin (63,6%). Pas suffisant pour Textor.
« Cette année nous avons relativement mal joué par rapport à notre potentiel. Maintenant, il nous faut plus que de la magie. Nous avons besoin de préparation, de constance et de plus d’expérience », estime le dirigeant américain. « Nous avons besoin d’une certaine structure, d’un peu de discipline. Et c’est pourquoi je pense que l’expérience compte dans ce cas, et Paulo l’a. »
Sur ce point, difficile de contredire John Textor. Devenu entraîneur d’une équipe A pour la première fois en 2007, il y a 18 ans, Paulo Fonseca (51 ans) a dirigé depuis le début de sa carrière 570 matchs officiels, pour 320 victoires (56%), 133 nuls et 117 défaites. En face, Sage pointe à 56 rencontres dans la peau d’un coach principal, soit dix fois moins.
Des succès, des gros clubs… mais un plafond de verre ?
Alors que Textor a fixé mardi à ses joueurs comme objectifs de terminer dans le top 4 en Ligue 1, et de remporter la Ligue Europa, Fonseca a aussi pour lui un solide vécu européen (26 matchs de phase finale de Ligue des champions, 47 de Ligue Europa, 10 de Ligue Conférence), atteignant les demi-finales de C3 avec l’AS Rome en 2021, et les quarts de finale de C4 avec le Losc – le premier quart continental de l’histoire du club – en 2024. Une formation lilloise qu’il a ramenée la saison passée dans les places qualificatives pour la Ligue des champions, avant de traverser les Alpes.
Le Portugais affiche aussi plusieurs titres à son palmarès, conquis avec le FC Porto (Supercoupe du Portugal 2013), Braga (Coupe du Portugal 2016) et le Shakhtar Donetsk (Championnat d’Ukraine 2017, 2018, 2019, Coupe d’Ukraine 2017, 2018, 2019, Supercoupe d’Ukraine 2017). « Quand vous avez l’occasion de faire un entraîneur comme Fonseca, ne me dites pas que Fonseca c’est moins bien que Pierre Sage », observait Jérôme Rothen mardi dans Rothen s’enflamme, sur RMC. « C’est plus de référence, plus de charisme… Ce n’est pas pour dénigrer Pierre Sage, mais je trouve que la posture de Fonseca sur un banc de touche correspond totalement et beaucoup plus à un club ambitieux comme Lyon. »
Reste que derrière ses accomplissements, et plusieurs aventures globalement positives et saluées, comme à Lille ou au Shakhtar, Paulo Fonseca renvoie aussi l’image d’un technicien s’étant parfois heurté à un plafond de verre, et peinant à s’exprimer au plus haut niveau. Son expérience au FC Porto en 2013-2014, sa première aux manettes d’une grosse machine, s’est terminée par un licenciement en mars, son passage de deux saisons à la Roma (2019-2021), avec un effectif il est vrai faiblard, a laissé un souvenir pour le moins mitigé aux tifosi locaux, et le dernier épisode milanais s’est achevé avec fracas, et un limogeage par SMS le soir du 30 décembre.
Même si, dans ce cas précis, Fonseca a pour lui des circonstances atténuantes. « Normalement (à l’été 2024), c’est Lopetegui qui doit arriver à Milan. Sauf qu’il y a une fronde sur le nom de Lopetegui, parce que les supporters commençaient déjà à en avoir un peu marre. Donc la révolte populaire des supporters fait sauter Lopetegui et derrière, le Milan se retourne vers Fonseca. Sauf que le nom de Fonseca ne titillait pas plus que ça non plus les supporters », rappelait Johann Crochet, spécialiste du foot italien, lundi soir sur RMC. « Il était passé par la Roma et on avait vu qu’il avait fait plein de bonnes choses mais que contre les gros clubs, il n’y arrivait pas. Donc il y avait au mieux du scepticisme et au pire, une colère déjà avant même qu’il ne commence. » Autrement dit: les dés étaient pipés.
Marquer plus de buts et en encaisser moins, le doux rêve de Textor
Dans son bref entretien à l’AFP, John Textor n’a pas seulement pointé le manque d’expérience de Pierre Sage. Il a aussi pointé des lacunes tactiques, des problèmes dans le jeu. « Je ne vois pas un bloc défensif bien organisé », a observé le patron de l’OL. « Je vois une belle créativité avec le ballon mais pas une exécution clinique du but par rapport à nos occasions. » Sera-t-il gagnant sur ces points-là? Impossible à prédire. Et difficile de comparer deux entraîneurs n’ayant pas eu à disposition le même effectif.
Paulo Fonseca – ce qui explique peut-être ses difficultés en Italie – a en tout cas la réputation d’un technicien ambitieux, et offensif, sans verser dans le déséquilibre. En 90 rencontres sur le banc de Lille, il affiche une moyenne de 1,8 but marqué par match, pour 1,1 encaissé. En face, Pierre Sage à l’OL, c’est 1,9 but marqué par match, pour 1,4 encaissé. Avec, encore une fois, un contexte et des joueurs différents.
Au sortir de son expérience nordiste, Fonseca avait quoi qu’il en soit la cote en France. Avant de mettre la main sur Roberto de Zerbi, les dirigeants de l’OM (très soucieux de l’identité de leur équipe) en avaient fait leur priorité l’an dernier. Mais Johann Crochet émet encore des réserves à son sujet. « Il a des limites tactiques, qui existent encore aujourd’hui après son passage à Milan », relevait-il lundi. « Il y a des choses que j’avais vu à la Roma sous Paulo Fonseca et je voyais les mêmes problèmes au Milan sous Fonseca. En Italie, les entraîneurs adverses sont hyper au point tactiquement pour te faire déjouer et je ne suis pas certain qu’après ce deuxième passage, Fonseca pourrait retenter une troisième fois. Les entraîneurs adverses ont exploité pas mal de ses limites. » Et de nuancer: « Mais il y a plein de choses qui m’intéressaient chez Fonseca: son amour du jeu, son discours très positif, le fait d’expliquer ce qu’il voulait mettre en place et comment il travaillait. »
Obtenir l’adhésion des joueurs, un gros chantier
Reste enfin un dernier point, et de taille. Un facteur que l’on ne peut pas quantifier: l’adhésion, ou non, des joueurs. Séduit dans sa grande majorité par le personnage de Pierre Sage, sa fraîcheur et sa franchise (en témoignent les multiples messages après son renvoi), le vestiaire de l’OL, qui n’a historiquement pas été le plus simple à gérer, ira-t-il à la guerre avec Paulo Fonseca? « Changer de coach quand le vestiaire commence à se déconnecter de lui, c’est une chose, mais quand le vestiaire ne l’a pas lâché, je pense que c’est un gros risque que prend Textor, et que ce n’est pas gagné pour Fonseca », notait Florent Gautreau lundi soir, dans l’After Foot sur RMC. « Cette prégnance lyonnaise, ces cadres pas forcément simples à bouger comme Lacazette, Fonseca aura aussi à se les coltiner… »
Aura-t-il la poigne pour cela? « Il fait partie en Italie, et on a dit ça aussi d’un mec comme Gasperini à un moment, des gars qui n’ont pas le caractère pour certains clubs. Il est entré dans cette catégorie-là », complète Daniel Riolo, au sujet de l’échec milanais. Tout en soulignant que le vestiaire rossonero était « pourri »: « Sergio Conceiçao (successeur de Fonseca, NDLR) en est même venu aux mains avec un joueur comme Calabria, une tête de mule avec un sale caractère. Théo Hernandez aussi est un joueur avec un sale caractère, très dur à gérer. Sans parler de Leao… »
Pourtant, Johann Crochet considère que Paulo Fonseca ne s’est jamais couché. « Il a dit: ‘J’ai des principes de jeu, des principes tactiques, des principes de travail collectif et individuel à l’entraînement. Si vous ne le faites pas, je ne vous ferai aucun cadeau. Que tu t’appelles Théo (Hernandez), Leao ou Tomori, que tu sois un cadre du vestiaire, si à l’entraînement tu ne montres pas que tu dois être titulaire et qu’à l’inverse, je vois des U23 qui débarquent et qui eux font les efforts, c’est eux qui vont jouer’. Donc très rapidement, dès la deuxième journée après un match raté à Parme (2-1), où Théo et Leao ont en gros marché pendant 90 minutes, il a dit: ‘Non, ça ne me va pas ça’. Et la journée d’après, il a mis Théo et Leao sur le banc (contre la Lazio) ». Sans jamais, par la suite, trouver grâce à leurs yeux.