Ces dernières semaines, plusieurs clubs de football ont décidé de quitter le réseau social X (anciennement Twitter). Motivés par la prolifération de discours haineux et de contenus problématiques, ces clubs prennent position contre les dérives de la plateforme, marquant ainsi un tournant dans l’utilisation des réseaux sociaux par les équipes professionnelles.
« Le Red Star est partout, mais plus sur X », l’ultime publication du club francilien marque son retrait définitif du réseau social américain, faisant ainsi du Red Star le premier club de football professionnel français à franchir ce pas.
Pauline Gamerre, directrice générale du club, se justifie par la montée des discours haineux sur la plateforme: « Se retirer de X est une décision mûrement réfléchie. Nous avons constaté que la qualité du contenu a diminué et que la vérité se monnaye. Aujourd’hui, c’est un catalyseur de haine. »
Le club de Ligue 2 n’est pas à l’origine de ce mouvement de départs. L’idée a été lancée en novembre en Allemagne, lorsque le FC Sankt Pauli a dénoncé la plateforme dans un communiqué, la qualifiant de « machine à haine, véhiculant le racisme et les théories du complot sans contrôle ». D’autres clubs de Bundesliga ont suivi le mouvement, comme le Werder Brême et le SC Fribourg.
Un message aux résonances idéologiques
Cette décision s’inscrit dans un contexte politique particulier. Elon Musk, propriétaire de X, a soutenu activement la campagne de Donald Trump lors des élections américaines, utilisant son influence sur la plateforme pour promouvoir le candidat républicain et critiquer Kamala Harris, la vice-présidente démocrate. Ce soutien devient un facteur déterminant pour les clubs allemands, qui souhaitent se distancer de X à l’approche des élections fédérales prévues le 23 février 2025.
« Elon Musk a soutenu la campagne de Trump et a utilisé X pour cette cause. Il est probable que la plateforme diffuse à nouveau des contenus autoritaires et extrémistes lors des prochaines élections en Allemagne », souligne Patrick Gensing, porte-parole du FC Sankt Pauli.
Bien que le promu allemand ait perdu 250.000 abonnés, il espère que ses supporters suivront l’actualité via une nouvelle coopérative créée ou d’autres réseaux. Un schéma difficile à réaliser d’après Fabrice Epelbooin, spécialiste de l’usage politique des réseaux sociaux, qui admet que cela est « audacieux. Se passer de X ce n’est pas très malin car c’est s’opposer aux États-Unis et surtout à la puissance: c’est suicidaire! »
La direction du Red Star, de son côté, reconnaît que ce choix représente une « prise de risque », mais qu’il vise à bousculer les codes sans arrière-pensée politique. « Nous faisons partie d’un mouvement pour faire évoluer les choses. Nous espérons que d’autres clubs nous suivront. Nous sommes un club apolitique, et notre démarche repose sur des valeurs humanistes », précise Pauline Gamerre.
Bluesky, le grand gagnant?
Derrière cette vague de départs, une alternative décentralisée pourrait en profiter: Bluesky. Les clubs à l’origine de cette décision sont déjà présents sur cette plateforme en ligne qui reprend les codes de Twitter : une esthétique similaire, une interface comparable et le même fondateur (Jack Dorsey).
La plateforme se distingue par des valeurs de transparence et de respect, en se positionnant comme une « plateforme accessible et éthique ». Le FC Sankt Pauli, qui a toujours été associé à des valeurs de gauche et de diversité, voit dans ce réseau une opportunité de retrouver ses supporters sur une plateforme plus alignée avec ses principes.
Toutefois, la transition reste complexe. Le club ne compte actuellement que 309 abonnés. Ses concurrents de Bundesliga: le Werder Brême et le SC Fribourg, ont connu une transition un peu plus facile, mais leurs abonnés restent limités avec respectivement 9 600 et 3 200 abonnés. Le Red Star n’a pas encore rejoint Bluesky, bien qu’il ait réservé le nom de domaine sur cette plateforme. Le club affirme ne pas avoir quitté X pour se rendre sur une autre plateforme pour l’instant et mise sur une newsletter pour informer les supporters.
Cette prudence est compréhensible, car le réseau social qui a pour logo un papillon bleu pourrait également attirer les utilisateurs problématiques de X: « Bluesky est perçu comme un espace sûr, mais les mauvaises influences que les clubs dénoncent finiront par y migrer », souligne Fabrice Epelboin. En dépit de ces départs, X reste l’une des plateformes principales en France puisque un Français sur trois l’utilise encore pour se tenir informé.